Compte rendu des Assises du livre numérique du 19 mars 2015

Jeudi 19 mars 2015, les 14e Assises du livre Numérique (organisées par le Syndicat National de l’Édition et soutenues par la Sofia) ont rassemblé, juste avant l'inauguration du Salon du Livre de Paris, nombre d'acteurs du livre et du numérique pour présenter les derniers constats du secteur français et interagir autour des différentes problématiques qui l'animent : DRM, piratage et TVA, droits d'auteur bien sûr, mais aussi technologie, créativité et usages.

Rappel du programme : présentation du dernier baromètre réalisé par la Sofia, le SNE et la SGDL sur les usages du livre numérique, table-ronde intitulée "le livre pratique : quel destin du numérique", présentation des évolutions des formats de livre numérique par le W3C, retour sur le travail de classification de la CLIL.
Programme complet sur le site du SNE

Le secteur du livre numérique, état des lieux

Le SNE, la Sofia et la SGDL ont présenté le dernier baromètre du secteur du livre numérique, (étude réalisée pour Ifop - accessible ici). Celui-ci établit les derniers chiffres concernant le livre numérique et montre un marché en légère progression avec "plus de lecteurs et plus d'acquisitions de livres numériques".

Vincent Montagne, président du SNE, a rappelé, lors de l'introduction des Assises, que le secteur du livre est le plus gros secteur culturel en France. Il représente pas moins de 80 000 emplois. Cependant, le livre numérique est encore un marché émergent et la multiplication des livres numériques ne crée pas spontanément les lecteurs correspondants. En effet, si l'on constate que le nombre de lecteurs de livres numériques a augmenté, celui des lecteurs potentiels a baissé de 6 % par rapport au dernier baromètre. Cela suppose donc une saturation du marché.
Quelques points de ce baromètre :

  • la publication de livres numériques se multiplie mais ne rencontre pas encore un lectorat très large. L'ebook reste un marché de niche des grands lecteurs. En effet, d'après le rapport "18 % de la population française âgée de 15 ans et plus déclare avoir déjà lu, en partie ou en totalité , un livre numérique. 6 % l'envisagent, 76 % ne l'envisagent pas" ;
  • 3 canaux de distribution de livres numériques se distinguent sur le marché : 38 % des livres numériques sont vendus par les opérateurs internet (Amazon, Apple Store, Google Book...), 26 % sont vendus sur les sites des grandes surfaces spécialisées et 22 % sur la librairie en ligne dont les "stores" des liseuses ;
  • usage du livre numérique par rapport aux taux d'équipements : Si celui-ci est en augmentation (les français sont de plus en plus équipés), ce ne sont pas les équipements purement dédiés à la lecture, comme les liseuses, qui sont préférés mais le matériel hybride comme les smartphones, les ordinateurs portables et les tablettes. Cependant, si 84 % des lecteurs de livres numériques possèdent un Smartphone, 32 % d'entre-eux l'utilisent comme support de lecture. Alors que 55 % des lecteurs possèdent une tablette et 71 % d'entre-eux l'utilisent comme support de lecture. Pour la liseuse le taux d’utilisation monte à 90 % (sur les 25 % des lecteurs de lecteurs numériques possédant ce support). Il faut donc faire le parallèle entre l'équipement des usagers et l'utilisation qu'ils en font. Ils sont moins nombreux à posséder une tablette ou une liseuse mais lisent beaucoup plus de livres numériques sur ces supports dédiés ;
  • usages stables mais piratage en hausse : "Un peu moins d'un tiers (30%) des lecteurs de livres numériques ont eu recours une ou plusieurs fois à la lecture légale en streaming d'un livre numérique. Parallèlement les catégories de livres numériques lus et achetés sont stables". La littérature reste le genre littéraire principal et représente 69 % de livres lus, suivent les essais (31%), les livres pratiques (28%) et les livres techniques (24%). La jeunesse émerge peu à peu dans l'univers numérique et représente 10 % de livres lus ;
  • modèles d'achat : c'est le paiement à l'acte qui reste encore privilégié et représente 64 % des moyens d'accès aux livres numériques. Seuls 6 % des lecteurs de livres numériques déclarent être intéressés par le modèle de l'abonnement. 20 % des lecteurs de livres numériques déclarent également avoir déjà téléchargé un livre de manière illicite notamment en raison du manque de disponibilité de l'offre légale.

Globalement, si le secteur du livre numérique évolue et que la lecture numérique est en constante augmentation, le passage au numérique reste lent en France et les chiffres n'ont pas un réel impact sur le secteur éditorial. La France tient à conserver son modèle de régulation des prix instauré par la loi Lang, protectrice de la diversité et de la vitalité du livre en France. Cela suppose une évolution plus lente pour le marché du numérique mais qui se veut plus viable, dans le temps, pour les professionnels et la production. C'est d'ailleurs dans cette optique que le SNE a rappelé le lancement de sa campagne #CeciEstUnLivre qui vise à lutter contre la directive européenne de remonter le taux de TVA du livre numérique.

Le livre pratique, un livre d'usage qui se prête bien au support numérique

Le livre pratique est un guide, un livre d'aide à l'apprentissage et à la découverte, un livre de cuisine ou de jardinage, bref un livre pour lequel le format numérique se prête bien par nature (cela est notamment visible pour les guides de voyage). Ainsi, il pose différentes problématiques quant aux usages et aux nouvelles pratiques de lectures induites par le numérique.

Une des questions principales abordées lors de la table-ronde "Le livre pratique : quel destin du numérique" a été celle du format : si l'application mobile (IOS ou Android) permet une grande interactivité avec l'utilisateur pour un faible poids de fichier, elle peut néanmoins entrainer des coûts de développements certains, supposer un décalage de la logique éditoriale et des canaux de vente qui ne sont pas ceux du livre. Au final, les éditeurs de livres pratiques privilégient le format ePub car les contenus proviennent majoritairement du même livre imprimé et le passage au numérique en est simplifié. Le livre numérique enrichi semble également être de la partie pour l'avenir du livre pratique, aux yeux des éditeurs, bien que pour le moment, beaucoup de dispositifs de lecture ne supportent pas encore ce format.

L'informatique éditoriale avec les besoins de structuration de l'information pour la création des livres mais également, une fois le livre publié, pour sa lecture, est également un point central qui prend toute son importance à l'heure de l'accélération de la production de livres numériques. Il est primordial pour les éditeurs de posséder des bases de données cohérentes et structurées pour instaurer des bonnes pratiques d'édition dans le numérique. Cela rentre tant dans le cadre d'une mutualisation des coûts en amont (pour l'accessibilité des livres numériques, l'internationalisation, la réédition, le changement de format...) que dans celui du bon référencement des ouvrages en ligne.

Format ePub et évolutions technologiques

Ivan Herman, du Digital Publishing Interest Group (DPIG) du W3C (World Wild Web Consortium, organisme travaillant sur la standardisation des formats du Web) partenaire de l'IDPF (International Digital Publishing Forum œuvrant pour l'évolution et la mise en œuvre du format EPUB) est venu présenter les points techniques concernant le livre numérique. Il rappelle, avant tout, que d'un point de vue technologique, le EPUB est un site internet mis dans un fichier avec une attention particulière sur le texte et le graphisme. Or, si le secteur de la publication est le plus gros utilisateur des technologies web les éditeurs, eux, sont trop peu représentés au W3C. Cela peut créer un décalage entre l'évolution technologique et les pratiques éditoriales du secteur du livre.
Pour les acteurs techniques, le but est de faire disparaître la distinction entre une publication web et un document électronique pour intégrer pleinement le document numérique au web. Il faut alors faire évoluer l'interaction que l'on peut retrouver sur le web, à l'intérieur des livres, en faisant évoluer les ebooks vers une édition numérique véritablement enrichie mais aussi amener, comme avec l'EPUB3, à la généralisation du format xml.

Ivan Herman a également rappelé que si les éditeurs doivent se concentrer sur leurs savoir-faire de médiation et d'édition, un grand nombre de développeurs est là pour permettre au marché de s'ouvrir en alliant les garants de la qualité éditoriale à ces experts du web. Ainsi, il faut penser le numérique avec la transversalité.
Enfin, un nouveau format d'EPUB est a prévoir dans les années à venir : l'EPUB-WEB. Il n'aura pas vocation à supplanter l'EPUB3 mais, dans une vision à long terme, à l'accompagner.

Support de présentation d'Ivan Herman en ligne

La classification Thèmes CLIL devient internationale

Dominique Parisis, responsable de l'organisation et de la méthode chez Interforum et président de la Commission Fichiers Exhaustifs de la CLIL (Commission de liaison interprofessionnelle du livre) est venu présenter la première version de la table de correspondance officielle établie entre la classification Thèmes CLIL et la classification internationale THEMA, rappelant l'importance de la classification des ouvrages au niveau national mais aussi au niveau international.
Plus d'informations ici.

Conclusion de la journée

Les Assises du Livre Numérique ont donc permis d'établir un bilan assez large du secteur du livre numérique en France, balayant les problématiques d'édition, de formats, de technique mais aussi de lecture et d'usage. Globalement, le secteur du livre numérique a pris ses marques dans le paysage éditorial français mais doit maintenant se donner les moyens d'être visible et de s'imposer comme un nouveau marché. Le marché du livre numérique est encore celui des gros lecteurs et la démocratisation des usages se heurte à la baisse de la lecture en France. Qualité, nouveauté, attractivité et diversité semblent être les maîtres mots d'un avenir viable et durable pour le livre numérique.